On y est.
Presque.
Mercredi. Dans deux jours.
Les entre-deux, ça me met mal à mon aise, alors c’est aussi bien. Puis moi, j’aime mon travail. Il m’épuise, pompe l’essentiel de ma patience et de mon empathie, et la plupart du temps, je pourrais aussi bien pisser dans un violon (on n’est pas profdoc pour la reconnaissance, jamais). Mais j’aime exercer ce métier. Je crois même que je fais ça pas trop mal. Non, je n’y retourne pas à reculons. Mais j’y retourne échaudée, c’est vrai, après l’année qu’on a vécu, avec la Réforme qui se met en place, craintive, peut-être, avec une Direction en partie renouvelée, avec des questions laissées suspendues en juillet concernant des éléments d’organisation importants, embarrassée dans les rapports humains parce qu’un an de trêve abrase des choses mais n’oblitère pas tout : j’ai la mémoire des bassesses, des intrigues, des manèges, de ce qui se chuchote. Mon faux malheur c’est que les couloirs me parlent, à moi, ils me répètent, et je trie leurs échos. Alors je sais. Et je n’oublie pas. Rien. Même concernant ceux avec qui j’ai presque une décade de vie professionnelle commune.
Reprendre c’est laisser l’enfant fauve et même si cette séparation n’a rien à voir avec la précédente, c’est tout de même quelque chose. Il grandit, devient baroudeur, s’en marque les tibias, le front, les genoux, et derrière cette rentrée s’esquisse le mirage de celle de l’année prochaine qui ne se fera non plus à la crèche mais belle et bien à l’école. Au parc, il n’est plus le si petit et c’est de lui et ses maladresses acrobatiques que j’abrite les autres. Hier, n’était-ce pas l’inverse ? J’ai déjà oublié. Ce matin encore, un petit gratifiait sa grand-mère de sa première dizaine de pas, là, au parc. Peanuts, lui, court, est à un cheveux de sauter pour de bon, il rentre du parc en trottinette… Elle n’est pourtant pas si loin, cette dizaine, depuis le canapé de sa chambre jusque vers l’entrée, là, paf, genre c’est facile. Parce qu’il est comme cela, mon fils, il se met à faire des choses nouvelles sans préavis et comme si elles allaient d’elles-mêmes. Ce môme avec qui je rentrais de la crèche en écharpe, qui peut maintenant cavaler tout le long du chemin. Et s’arrêter pour faire tourner la pédale de chaque vélo du parc à vélos, faire couiner le volet de la boite à lettres de l’association de quartier, revenir en arrière, s’arrêter pour un bruit, l’index en l’air…
« Ah la la, ils grandissent trop vite » me répète-t-on. Vite, sans doute. Trop, je ne trouve pas. Il grandit à sa vitesse, c’est ce qui importe. Et moi, la maman louve, je trouve mon compte dans chacun de ces âges qu’il traverse. Sans doute parce qu’il est lui, que je n’attends qu’il ne soit rien d’autre, que j’apprends en permanence.
Il va falloir recommencer à le confier, apprendre à connaître les nouvelles personnes qui l’entourent. J’aime, plus que je m’y attendais, ces quelques jours entre nous, ses « Maman ! » criés à l’extérieur, notre rythme à deux. Je suis partagée entre une forme de hâte de retrouver d’autres activités et le soupir de fermer cette parenthèse.
Bref, je suis pas loin d’être rentrée.
pix by me
One year ago