30 juillet. Aujourd’hui un objet par terre

… lance sa main vers les lunettes et au « non ! » que je lui rétorque, dévie, n’hésite pas un instant, recalcule juste son geste à toute vitesse, empoigne mon masque et tire dessus avec force. L’élastique pris dans ma branche attire mes binocles, et paf, un totem barrière et mes yeux de rechange au sol. J’en profite pour voler goulument deux respirations libres et je ramasse mon visage d’emprunt, look de l’été en verres fumés. L’autre se marre, toujours installé sur ma hanche. « Crapule », je lui dis. « Da da da da da », il me réplique. Que voulez-vous répondre à ça ?

Départ

On part demain.

Là on est dans le moment où on ne sait pas comment tout tiendra dans la voiture.

Où on cherche ce qu’on a oublié.

Où on ajoute des petites choses dans des sacs et des caisses déjà plein à craquer.

Où on note ce qu’il ne faut surtout pas oublier demain.

Où on met deux traits sous « escargots ».

Où raaah mais mer… ah ben -de, ils dorment, ce truc là est rangé dans la chambre des enfants.

Où mon dos me dit « Tiens, t’as pas fait de yoga aujourd’hui.

Bref, on part demain.

Baboum baboum

Ça fait deux jours.

Ce n’est pas envahissant, mais c’est présent. Surtout le matin pendant les deux heures qui suivent le réveil et en fin de journée.

Je sais que ça vient à cause de l’approche des vacances. Parce que je vais quitter mes repères.

C’est le principe même du départ en vacances, quitter ce qu’on connaît par cœur. C’est pour ça que ça fait du bien, de partir, que c’est bon pour la tête.

Mais voilà, ça pulse, ça sert le ventre. Et bien que ma dernière crise date de mars et qu’elle ait été provoqué par de la fièvre, bien que cette épilepsie se tienne tranquille depuis plusieurs mois, je sens que c’est « ça » qui bat dans mes bras, dans mon ventre.

Et je ne sais pas quoi faire de ça.

Réparer

Depuis quelques temps, j’essaie de me remettre à la méditation.

Enfin, pour être tout à fait juste, j’essaie de me remettre à me mettre à la méditation.

J’ai commencé un programme autour du stresse alimentaire, rapport au fait que ma relation à la nourriture, ça reste compliqué.

La séance d’aujourd’hui était axée sur la culpabilité.

À un moment dans la séance m’est revenue une photo de moi. Je suis adolescente. Je porte une robe turquoise, j’ai un foulard dans les cheveux et de gros boutons d’acné partout sur le visage. J’ai également les joues très pleines et les bras potelés.

Cette ado, sur la photo, je la connais. Elle est triste, elle n’est pas bien dans sa peau, elle est paumée et elle est seule.

Dans la séance, il est dit de poser sa main sur son cœur et de se remercier.

J’ai mis les mains sur mon cœur puis je me suis serrée dans mes bras. J’ai dit à cette ado que tout ça n’était pas sa faute, qu’elle avait besoin d’aide mais qu’elle n’en avait pas, que les adultes autour d’elle n’était pas à la hauteur. Je lui ai dit qu’elle n’était plus seule. Que j’allais l’aider. Qu’on allait s’en sortir, elle et moi.

Et je crois qu’elle m’a cru.

En chuchotant

Je ne le dis pas trop fort parce que c’est fragile mais je vais mieux.

Ces journées sans enfant, sans grandes contraintes de temps et d’horaires, sans to do list, ces journées à avoir le temps et l’espace pour penser, pour marcher, pour pédaler, pour manger (…) à mes rythmes à moi, ces journées sont exactement ce dont j’avais besoin.

Elles ont le prix d’enfants gardés dont un loin de chez nous, d’appels à base de « Tu me passes Popcorn ? Je veux essayer de le faire rire », d’échanges de photos et de « Ciel, que cet enfant est grand » au détour d’un MMS.

J’appréhende un peu le retour à autre chose, avec l’arrivée des vacances, les autres, celles à quatre et un peu cinq, non, je n’échappe toujours pas complètement à Là Où C’est Haut. J’en ai envie, aussi. (Non, pas vraiment de Là Où C’est Haut. Mais.)

Je réfléchis à mon quotidien, je me demande comment m’offrir de cela suffisamment régulièrement pour ne plus sombrer. Bon, pour commencer, ce serait bien qu’on ne soit pas reconfinés, que les conditions sanitaires permettent que les écoles restent ouvertes, que vivre ensemble ne suppose pas risquer des vies en respirant…

Pour le reste, je vais continuer d’y penser.